{"id":40956,"date":"2024-04-23T13:55:54","date_gmt":"2024-04-23T11:55:54","guid":{"rendered":"https:\/\/travesiapirenaica.com\/?p=40956"},"modified":"2025-01-20T12:26:39","modified_gmt":"2025-01-20T11:26:39","slug":"solo-es-andar-entretien-avec-sergi-latorre","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/travesiapirenaica.com\/fr\/solo-es-andar-entretien-avec-sergi-latorre\/","title":{"rendered":"Solo es Andar. Nous avons interview\u00e9 Sergi Latorre."},"content":{"rendered":"

Le GR11 est un sentier de plus de 800 km qui traverse les Pyr\u00e9n\u00e9es du Cap Higuer, dans la mer Cantabrique, au Cap de Creus, dans la M\u00e9diterran\u00e9e. Un magnifique trek que le National Geographic a inclus en 2015 dans sa liste des huit sentiers les plus attrayants du monde, un d\u00e9fi sportif s'il en est, mais surtout un r\u00eave.<\/p>\n\n\n\n

L'un de ces r\u00eaveurs est Sergi Latorre (Reus, 1976)<\/strong>. Sergi a termin\u00e9 le voyage en une seule fois au cours de l'\u00e9t\u00e9 2021, bien qu'il l'ait commenc\u00e9 bien plus t\u00f4t. L'id\u00e9e lui trottait dans la t\u00eate depuis 30 ans.<\/p>\n\n\n\n

De cette grande aventure, Sergi nous offre ce livre \u00e9crit avec un grand amour pour les Pyr\u00e9n\u00e9es et l'alpinisme. Un livre sinc\u00e8re, divertissant et amusant. Une sorte de guide officieux de la Transpyr\u00e9n\u00e9enne, indispensable pour tous ceux qui l'ont d\u00e9j\u00e0 faite ou qui r\u00eavent de la faire.<\/p>\n\n\n\n

Bonjour Sergi,<\/strong><\/p>\n\n\n\n

Comment allez-vous ? Tout d'abord, je vous remercie d'avoir \u00e9crit \"Solo es andar : La transpirenaica desde el Cant\u00e1brico hasta el Mediterr\u00e1neo\". Je vous l'avais d\u00e9j\u00e0 dit dans un courriel que nous avons \u00e9chang\u00e9 il y a quelque temps, mais j'ai beaucoup appr\u00e9ci\u00e9 la lecture de ce livre.<\/strong><\/p>\n\n\n\n

Bonjour, Enrique, et merci pour vos mots. Je suis tr\u00e8s heureux que vous ayez appr\u00e9ci\u00e9 mon livre.<\/p>\n\n\n\n

800 km, 45 jours... traverser les Pyr\u00e9n\u00e9es d'un oc\u00e9an \u00e0 l'autre, c'est marcher ?<\/strong><\/p>\n\n\n\n

C'est une sacr\u00e9e racl\u00e9e pour commencer, hahaha ! Comme je le dis au d\u00e9but du livre, \"ce n'est que de la marche\" \u00e9tait une sorte de mantra ou d'id\u00e9e forte, une ressource que j'ai trouv\u00e9e pour m'encourager lorsque j'avais encore des doutes sur ma capacit\u00e9 \u00e0 faire toute la Transpyr\u00e9n\u00e9enne en une seule fois. A l'exception de quelques mont\u00e9es et de quelques passages de cha\u00eenes, le GR11 ne pr\u00e9sente pas de difficult\u00e9s techniques au-del\u00e0 des kilom\u00e8tres et du d\u00e9nivel\u00e9 (ce qui n'est pas rien !), c'est pourquoi \"c'est de la marche\". Bien s\u00fbr, en tant qu'aventure et exp\u00e9rience vitale, c'est beaucoup, beaucoup plus.<\/p>\n\n\n\n

Cependant, je voudrais ajouter que ce n'est pas techniquement difficile \u00e0 condition d'avoir une exp\u00e9rience de l'alpinisme, bien s\u00fbr, et je ne voudrais pas que quelqu'un se blesse en pensant que c'est une promenade !<\/p>\n\n\n\n

Dans le livre, vous faites toujours r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 votre route transpyr\u00e9n\u00e9enne, qu'entendez-vous par l\u00e0 ?<\/strong><\/p>\n\n\n\n

Il y a plusieurs fa\u00e7ons de faire la travers\u00e9e transpyr\u00e9n\u00e9enne. En chemin, j'ai rencontr\u00e9 de nombreux alpinistes qui la faisaient \u00e9galement, mais tandis que certains d'entre nous essayaient de la faire dans son int\u00e9gralit\u00e9, d'autres, par manque de temps, la faisaient par sections lorsqu'ils le pouvaient. D'autres essayaient d'\u00eatre ind\u00e9pendants et d'\u00e9viter autant que possible les refuges ou les auberges, en bivouaquant ou en campant quand ils le pouvaient, ce qui repr\u00e9sentait un poids important dans leur sac \u00e0 dos, tandis que d'autres ne portaient presque pas de poids mais d\u00e9pensaient beaucoup d'argent pour dormir et manger. Et comme quelqu'un l'a dit, le m\u00eame paysage est diff\u00e9rent selon les yeux qui le contemplent, on pourrait dire qu'il y a autant de transpyr\u00e9n\u00e9ennes que d'alpinistes qui les font. Celui que je d\u00e9cris dans le livre \u00e9tait le mien, mais il y en a beaucoup d'autres. <\/p>\n\n\n\n

Pourquoi avez-vous d\u00e9cid\u00e9 de partir seul ?<\/strong><\/p>\n\n\n\n

J'aime beaucoup aller en montagne ou voyager avec des gens que j'aime, c'est tr\u00e8s agr\u00e9able de partager ce genre d'exp\u00e9rience, mais j'aime aussi beaucoup voyager ou aller \u00e0 la rencontre de la nature en solitaire. Comme le savent les voyageurs et les alpinistes solitaires, l'exp\u00e9rience est tr\u00e8s diff\u00e9rente et, en r\u00e8gle g\u00e9n\u00e9rale, plus intense. Et puis il y a l'avantage de pouvoir prendre des d\u00e9cisions, parfois difficiles et encore plus sur un si long voyage, en toute libert\u00e9 et ind\u00e9pendance et sans \u00eatre conditionn\u00e9 ou conditionn\u00e9 par qui que ce soit. Mais comme le savent aussi les voyageurs solitaires, quand on voyage seul, on rencontre beaucoup plus de gens, et c'est ce qui s'est pass\u00e9 lors de ma Transpirenaica. En fait, j'ai fini par parcourir de nombreuses \u00e9tapes avec d'autres alpinistes qui sont maintenant de grands amis, donc techniquement, j'ai commenc\u00e9 seul, mais j'\u00e9tais souvent tr\u00e8s bien accompagn\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

Non seulement vous avez pris la d\u00e9cision de partir seul, mais vous avez aussi renonc\u00e9 \u00e0 certains luxes comme dormir \u00e0 l'h\u00f4tel et bivouaquer comme un criminel.<\/strong><\/p>\n\n\n\n

Oui, je suis un peu d\u00e9linquant, vous m'avez compris, hahaha. L'id\u00e9e de se passer de luxe n'est pas seulement li\u00e9e \u00e0 l'\u00e9conomie, mais aussi \u00e0 la philosophie de l'alpinisme connue sous le nom d'ultra light, bas\u00e9e sur le minimalisme pour n'emporter que l'essentiel, ce qui permet d'\u00e9conomiser beaucoup de poids dans le sac \u00e0 dos. C'est aussi li\u00e9 \u00e0 une certaine conception, romantique peut-\u00eatre, punk comme certains l'appellent, d'essayer d'\u00eatre aussi ind\u00e9pendant que possible face \u00e0 une aventure comme celle-ci, de reprendre ma vie en main sans avoir recours \u00e0 une carte de cr\u00e9dit. J'ai dormi de temps en temps dans des refuges abrit\u00e9s, j'en ai profit\u00e9 lorsque j'ai travers\u00e9 des parcs naturels o\u00f9 le camping ou le bivouac \u00e9taient interdits, et mon dos m'a \u00e9t\u00e9 tr\u00e8s reconnaissant, apr\u00e8s tant de nuits pass\u00e9es \u00e0 dormir \u00e0 m\u00eame le sol, d'avoir un matelas. Mais en g\u00e9n\u00e9ral, j'ai essay\u00e9 de bivouaquer en plein air quand le temps le permettait, de profiter des abris gratuits, des frontons dans les villages de Navarre, des porches des \u00e9glises de village, etc. Et m\u00eame, une fois, le ch\u00e2teau en bois d'une aire de jeux pour enfants o\u00f9 j'ai merveilleusement dormi, en fait.<\/p>\n\n\n\n

Vous \u00eates n\u00e9 en <\/strong>Reus<\/strong>vous avez des anc\u00eatres \u00e0 Benasque, vous connaissez les Pyr\u00e9n\u00e9es depuis votre enfance, vous avez un certain \u00e2ge... Enfin, vous avez vu les changements. Deux questions diff\u00e9rentes, ou pas si diff\u00e9rentes, que pensez-vous de la commercialisation de la montagne et de la surpopulation croissante de certaines zones ? <\/strong><\/p>\n\n\n\n

Je pense que c'est terrible. Comme vous le dites, je connais les Pyr\u00e9n\u00e9es depuis mon enfance et j'ai vu comment, ces derni\u00e8res ann\u00e9es, la montagne est devenue surpeupl\u00e9e et les beaux endroits qui \u00e9taient le secret des alpinistes ressemblent aujourd'hui aux Ramblas de Barcelone. Je ne connais pas les causes, je suppose que les r\u00e9seaux sociaux y sont pour quelque chose, ainsi que les efforts des administrations publiques pour rendre accessibles des lieux qui ne l'\u00e9taient pas auparavant, ce qui a permis de les conserver intacts, gr\u00e2ce aux revenus g\u00e9n\u00e9r\u00e9s par le tourisme et \u00e0 la tarification de ce qui \u00e9tait gratuit auparavant. Les refuges ressemblent aujourd'hui \u00e0 des h\u00f4tels class\u00e9s par TripAdvisor, les prix ont explos\u00e9 et on essaie de transformer les gardes forestiers en serveurs alors qu'ils ont toujours \u00e9t\u00e9 autre chose. Tout le monde a le droit de profiter des montagnes, et apr\u00e8s tout je fais partie de cette masse et je fais partie du probl\u00e8me, mais je pense que le principal probl\u00e8me, une cons\u00e9quence de cette surpopulation, est la d\u00e9gradation de l'environnement due au manque de culture montagnarde ou \u00e9cologique de beaucoup de ces gens. C'est un fait que certaines des plus belles r\u00e9gions des Pyr\u00e9n\u00e9es sont les plus surpeupl\u00e9es et, sans surprise, ce sont les endroits o\u00f9 l'on trouve le plus de d\u00e9chets et l'environnement le plus d\u00e9grad\u00e9. C'est tragique. Certains amis m'ont fait remarquer, non sans raison, qu'avec mon livre je contribue \u00e0 cette surpopulation, que je peux emmener encore plus de gens dans ces endroits, mais je crains que mon livre n'emm\u00e8ne beaucoup moins de gens \u00e0 la montagne que la photo d'un quelconque influenceur sur Instagram, et j'aimerais penser que mon livre est aussi un manifeste de cette culture montagnarde et qu'aucun de mes lecteurs ne jettera un seul morceau de papier par terre, qu'ils appr\u00e9cieront et respecteront cet environnement.<\/p>\n\n\n\n

D'autre part, ce manque de culture et donc d'exp\u00e9rience de la montagne a \u00e9galement entra\u00een\u00e9, m'ont dit les gardiens des refuges eux-m\u00eames, une augmentation des accidents et des sauvetages au cours des derni\u00e8res ann\u00e9es.<\/p>\n\n\n\n

Je suis tout \u00e0 fait d'accord, la montagne fait-elle de nous de meilleures personnes ? Comme la pand\u00e9mie, haha.<\/strong><\/p>\n\n\n\n

Hahaha. Bon, je ne dirais pas \u00e7a, et j'ai bien peur qu'il y ait des bons et des mauvais partout, mais je suis convaincu que partout il y a plus de bons que de mauvais, et il est possible qu'en montagne, le pourcentage de bons soit plus \u00e9lev\u00e9 qu'ailleurs. Peut-\u00eatre parce que pour rencontrer la nature et le paysage par l'effort, il faut un certain esprit romantique et aventureux, des \"conqu\u00e9rants de l'inutile\" comme le d\u00e9finissait sublimement Lionel Terray, peut-\u00eatre parce que parmi les alpinistes, presque sans exception, il y a toujours une certaine solidarit\u00e9 et sympathie pour partager une passion et quelques difficult\u00e9s, peut-\u00eatre parce que la montagne nous apprend que nous sommes tous aussi insignifiants les uns que les autres et qu'elle r\u00e8gne mais que nous l'aimons tous, sans exception, je n'en sais rien. Mais dans mon cas particulier, en r\u00e8gle g\u00e9n\u00e9rale, en montagne, je rencontre plus souvent des gens bien que des gens mal. <\/p>\n\n\n\n

Oui, je suppose qu'il y a quelque chose dans les montagnes qui fait ressortir le meilleur de chacun. Vous \u00eates un grand voyageur, vous avez vu beaucoup de choses dans le monde, vous avez \u00e9crit des livres \u00e0 ce sujet, mais finalement, comme Kylian Jornet (h\u00e9h\u00e9), vous trouvez votre grande aventure chez vous, dans les Pyr\u00e9n\u00e9es. Le r\u00eave de votre jeunesse.<\/strong><\/p>\n\n\n\n

Je n'arrive toujours pas \u00e0 expliquer la transpyr\u00e9n\u00e9enne de KylianJornet en huit jours, hahaha !<\/p>\n\n\n\n

Oui, la travers\u00e9e des Pyr\u00e9n\u00e9es \u00e9tait un vieux r\u00eave de ma jeunesse et le mot \"r\u00eave\" \u00e9tait l'un des mots que j'entendais le plus souvent de la part d'autres alpinistes lorsqu'ils parlaient de la travers\u00e9e des Pyr\u00e9n\u00e9es. Je suis convaincu que chaque alpiniste, sachant qu'il existe une route qui traverse les Pyr\u00e9n\u00e9es d'un bout \u00e0 l'autre, s'est dit qu'il aimerait bien la faire un jour. D'autre part, depuis que mes parents nous ont emmen\u00e9s, mes fr\u00e8res et s\u0153urs et moi, dans notre enfance, les Pyr\u00e9n\u00e9es ont \u00e9t\u00e9 pour moi un endroit tr\u00e8s sp\u00e9cial, magique. Quant \u00e0 ce que vous dites sur le fait de trouver une grande aventure chez soi, une chose que j'ai apprise en voyageant est que, presque toujours, l'aventure ne d\u00e9pend pas du \"o\u00f9\" mais du \"comment\". \u00c0 cet \u00e9gard, dans le livre, je donne l'exemple d'un ami qui a parcouru la Tha\u00eflande \u00e0 v\u00e9lo pendant six mois. Moi, par manque de temps, j'ai travers\u00e9 la Tha\u00eflande en un mois, et bien que les deux exp\u00e9riences aient \u00e9t\u00e9 des voyages magnifiques, celle de mon ami et la mienne sont \u00e0 peine comparables. Son voyage a \u00e9t\u00e9 beaucoup plus aventureux, bien s\u00fbr.<\/p>\n\n\n\n

Que retenez-vous du GR11 ?<\/strong><\/p>\n\n\n\n

Ouf ! Il y a tant de choses dont j'aimerais me souvenir. J'ai fait d'autres travers\u00e9es de montagne, mais la plus longue jusqu'\u00e0 pr\u00e9sent a \u00e9t\u00e9 de dix jours, la plupart du temps en quatre ou cinq \u00e9tapes. Mais tant de jours \u00e0 calculer les kilom\u00e8tres et les d\u00e9nivel\u00e9s, ceux du jour et ceux des jours suivants, \u00e0 r\u00e9fl\u00e9chir \u00e0 l'endroit o\u00f9 je trouverais de l'eau ou un abri, \u00e0 regarder le ciel pour voir si l'orage allait s'\u00e9loigner ou me tomber dessus, jour apr\u00e8s jour pendant un mois et demi, presque deux... C'est une exp\u00e9rience unique que je n'ai v\u00e9cue que sur le GR11.<\/p>\n\n\n\n

A cette \u00e9poque de l'ann\u00e9e, il doit y avoir pas mal de personnes qui se pr\u00e9parent pour le GR11. Des conseils ?<\/strong><\/p>\n\n\n\n

Ne les laissez pas dormir pr\u00e8s des cloches ! Plus s\u00e9rieusement, une ressource qui a tr\u00e8s bien fonctionn\u00e9 pour moi, pour \u00e9viter d'\u00eatre submerg\u00e9 par tant de kilom\u00e8tres et tant d'efforts, a \u00e9t\u00e9 de diviser la travers\u00e9e en zones g\u00e9ographiques : Navarre, Aragon, Catalogne 1, Andorre et Catalogne 2. Quand j'ai commenc\u00e9, je me suis concentr\u00e9 sur la travers\u00e9e des Pyr\u00e9n\u00e9es navarraises, en ignorant le reste, une travers\u00e9e relativement simple de huit \u00e0 dix \u00e9tapes ; quand je suis arriv\u00e9 en Aragon, je n'ai pens\u00e9 qu'\u00e0 traverser les Pyr\u00e9n\u00e9es aragonaises, comme si j'\u00e9tais en vacances pendant quinze jours, et la m\u00eame chose quand je suis arriv\u00e9 en Catalogne. Quand je suis arriv\u00e9 en Andorre, oui, l\u00e0 j'ai eu le luxe de penser que la travers\u00e9e transpyr\u00e9n\u00e9enne \u00e9tait presque \u00e0 moi. Mais diviser un voyage aussi long en portions g\u00e9rables permet de l'aborder plus facilement, du moins en ce qui me concerne.<\/p>\n\n\n\n

Et bien, je vous conseille aussi de lire mon livre, hahaha !<\/p>\n\n\n\n

Enfin, que vous chuchote la petite voix en ce moment ?<\/strong><\/p>\n\n\n\n

Depuis quelque temps, la petite voix me murmure deux noms : trekking au N\u00e9pal et Mexique. Voyons s'il y a de la chance et si je peux l'\u00e9couter bient\u00f4t.<\/p>\n\n\n\n

\"\"<\/figure>\n\n\n